Skagway (870 hab).
Cette petite localité peuplée des Indiens Tingit, pratiquement depuis la préhistoire aux années 1850 vivait paisiblement. Ces Indiens, que la pêche et la chasse faisaient vivre, avaient su développer un réseau commercial avec d’autres groupes de la côte et de l’intérieur du pays. Autrement dit, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Et puis, patatras, voilà que Skagway devient la porte d’entrée du Klondike où la ruée vers l’or faisait fureur. Tous ces gens qui remontaient des USA pour profiter des filons s’arrêtaient ici et pour deux raisons : ceux qui restaient ici un moment en attendant que la saison soit bonne pour finir le trajet et ceux qui comprirent qu’ils pourraient faire d’aussi bonnes affaires en restant à Skagway et en approvisionnant les futurs chercheurs d’or mais aussi en les « plumant ».Alors, on ouvrit des boutiques, des hôtels, des cafés, des casinos, des cabarets et bordels, etc… Au plus fort de la vague, la ville comptait 30 000 habitants. Bref, cela devint le grand bazar. Les Indiens s’enfuirent, la ville perdit sa foi et ses lois tant les escrocs en tous genres y sévissaient.
L’armée et la police ne parvinrent guère, malgré leurs efforts, à vaincre tout cela. Mais tout se calma quand même et plutôt vite. Eh oui, le filon s’épuisa et d’autres rumeurs sur un autre endroit beaucoup plus riche circulaient dans la place. Il n’en fallu pas plus pour que Skagway redevienne une paisible (ou presque) localité.
Et aujourd’hui, eh bien pas vraiment grand monde à Skagway si c’est la saison creuse. Par contre, pendant la saison touristique c’est la foule. Skagway reçoit près de 1 million de visiteurs chaque année et essentiellement les visiteurs des bateaux de croisières.
Comme dans les autres villes que nous avons pu voir où l’or a apporté la notoriété à la ville, Skagway cultive ce passé avec maestria et on peut même dire avec amour et humour ! Ca sent le Far West à plein nez partout, partout ! C’est plaisant !
Beaucoup de bâtiments anciens sont encore debout et ont belle allure. Mais ce n’est pas suffisant, alors on rajoute les calèches et c’est vrai qu’elles vont bien à cette ville et qu’il est agréable de les entendre résonner dans les rues. Dans les moyens de transport, un passé plus présent est là aussi avec d’anciennes berlines des années 50 bichonnées, astiquées, bref, prêtes pour nous emmener faire un tour si on le souhaite. Toujours dans les transports, l’on peut voir également vieille locomotive et bus anciens.
A Skagway c’est presque comme à St Trop au 14 juillet : on se marcherait presque dessus. Il faut dire que le jour de notre visite il y a trois gros bateaux de croisières dans le port et ces bateaux peuvent contenir jusqu’à 10 000 passagers.
Beaucoup, beaucoup de magasins pour tous ces touristes, génération cheveux blancs, qui ne peuvent être que Papy ou Mamy et qui du coup ne manqueront pas de faire des cadeaux aux enfants et petits enfants. Ca marche, c’est sûr, ceux qui ne sont pas sur les trottoirs sont dans les boutiques le porte-monnaie à la main. Les bijoux et les fourrures ont la vedette.
Elles sont très belles ces rues à l’architecture Far West, mais aux noms un peu pompeux tout de même : Broadway Avenue, 5ème Avenue et autres, mais pas les Champs Elysées ! Pour prendre un pot, rien de mieux que le « Red Onion Saloon », bordel ouvert en 1898, mais devenu le café « surtout à ne pas manquer » de la ville. On aurait bien voulu car tout y est : les serveurs en costumes d’époque, le décor, la musique, seulement se trouver une place… Inimaginable, on n’a pas pu prendre un pot ! Nous y avons apprécié les photos d’autrefois.Après la ville, nous nous sommes attaqués à la colline pour voir de quoi la ville et son port ont l’air vus d’en haut. Et, c’est très beau et nous n’avons pas rencontré d’ours.
En chemin, nous avons fait une halte au vieux cimetière. Il est assez poignant. Toutes les personnes identifiées enterrées ici étaient très jeunes, entre 24 et 33 ans. Pour ainsi dire pas de femme. Un grand nombre de tombes sont anonymes.
La suite du voyage va être un grand moment : le Passage Intérieur.
Le Passage Intérieur est une voie maritime qui longe la côte du Pacifique au sud-est de l’Alaska et à l’ouest de la Colombie Britannique sur près de 900 kilomètres. Dans sa plus grande largeur, ce « couloir » atteint 150 kilomètres. Dans ce passage îles et îlots sont de plus d’un millier. Lesquels abritent bien cette voie maritime sur laquelle on a plus l’impression de naviguer sur un lac que sur un océan. Et pour finir, le Passage Intérieur c’est également 24 000 kilomètres de côtes très découpées par plusieurs milliers de baies, d’anses et de fjords.
C’est une zone très isolée du pays où l’eau et les glaciers sont les maîtres des lieux. C’est encore le monde de la nature intacte. Si les animaux y sont très nombreux, la population n’est que d’environ 71 000 habitants installés essentiellement dans les cinq plus grandes villes. 20 % de cette population est améridienne (Tingit, HaÏda et Tsimshian). La seule façon donc de découvrir cette région c’est le bateau.Nous avons organisé notre circuit au départ de Haines. Il durera 11 jours avec arrêt et séjour à Juneau, à Sitka (île de Baranof), à Petersburg (île de Mitkof), à Ketchikan (île de Revillagigedo) et notre terminus sera à Prince Rupert au Canada.
Pas de chance, mais notre premier jour de traversée n’a pas été terrible, terrible, alors passons tout de suite à Juneau ! C’était une petite traversée de 4H30.
Juneau (31 500 hab).
Juneau, une autre ville née de la prospection aurifère dans les années 1880. Dans cette région il n’y eut pas plus d’or que dans les autres en Alaska, mais c’est ici que l’on trouva de l’or à forte concentration.
Il n’en fallu pas plus pour qu’un nouveau village naisse et devienne rapidement une petite ville. Plus on trouva de filons et plus le village prenait de l’importance et hôtels, saloons, magasins en tout genre, écoles, hôpital et même opéra virent le jour.
Et, en 1906, Juneau devient la capitale politique de l’Etat d’Alaska. Ce rôle lui est ardemment envié notamment dans la région d’Anchorage. Il faut dire qu’effectivement Juneau est dans une situation géographique quelque peu embarrassante pour une capitale d’état.
En effet, Juneau est située au fond du Gastineau fjord, entourée de glaciers sur trois côtés et dominée par le Mont Juneau (1394 mètres) couvert de neiges éternelles. Elle est inaccessible par la route et l’on ne peut donc s’y rendre qu’en avion ou en bateau ; heureusement, son port est libre de glaces toute l’année.
Juneau, ville agréable, que l’on aime ici à l’appeler « Little San Francisco » pour son élégance et ses collines. La culture far west lui colle tout de même un peu à la peau.
Quand on arrive comme nous à Juneau par bateau, on a tout de suite le sentiment d’arriver dans une ville énorme tant il y a de monde partout et de voitures. En longeant le port, très vite on aperçoit des sortes de gigantesques bâtiments et l’on se demande pourquoi avoir construit de si grands immeubles à cet endroit du port ? Très vite on comprend qu’en fait ce sont d’énormes bateaux de croisières qui ont leur place sur les quais dans le cœur de la ville et dans un petit port. Cela gâche un peu, l’environnement du port est si beau, mais bon, les bateaux aussi sont beaux ; il y en avait quatre dans le port.
Bien sûr, on commence notre tournée par la rue la plus toutou de la ville : Franklin Street et toutes les petites rues qui débouchent dedans. C’est boutique contre boutique. Le passé russe se manifeste avec des magasins qui ne vendent que des poupées russes en bois laqué et autres objets de la même matière. Les chapkas sont aussi à l’honneur chez les fourreurs. Ensuite ce sont les bijoutiers qui tiennent le pavé et il y en a. L’endroit est très agréable, folklorique et joyeux.
Le reste de la ville, hors zone touristique, est plaisant mais sans plus d’intérêt. Le centre donne à penser qu’il a été bâti avec des jeux de construction tant c’est cubique. Au hasard de notre promenade nous aurons droit à un petit quartier sur pilotis, une minuscule église orthodoxe, quelques sculptures dont une parfaitement réussie d’un ours avec son saumon ; elle a été réalisée par un autochtone. Plus loin du centre, ce seront des rues bordées de maisons traditionnelles en bois.
Nous ne manquons pas de faire un tour au Red Dog Saloon où le décor de la belle époque fait fureur et tout y est : la porte à double battants, les cornes à profusion, les têtes à cornes et sans cornes empaillées à profusion également, les fusils et révolvers accrochés au mur, les chopes qui pendent là où il y a de la place, des milliers de cartes de visites collées un peu partout, pareil pour les casquettes et on colle aussi au plafond si nécessaire, et il y a la musique qui faut, la pénombre qui va avec, la bière qui coule à flot et, bien sûr, le cigare, la pipe et la cigarette sont de rigueur… où es-tu Chéri ?
Nous n’avons pas manqué non plus d’aller visiter le Musée d’Etat***… Les « Totemmeries » cela commence à nous gonfler Martine... Mais l’atout de Juneau c’est avant tout son glacier « Mendenhall » situé à environ 20 kilomètres de la ville.
Heureusement, le temps change un peu et nous sommes moins avec le noir. Tout doucement les fameux gris « ensoleillés » d’Alaska reviennent. C’est encore timide mais la lumière retrouve son chemin dans la masse nuageuse, l’eau retrouve ses reflets et ses ombres, le doré des prairies retrouve son insolence, tout cela est de bon augure pour la visite du glacier.
Peut-être était-ce un peu sombre, mais c’était tout de même bien beau et quel environnement !
La prochaine étape est Sitka, dans l’île de Baronof, pour l’atteindre 9 heures de ferry.
Dès de départ, nous avons les yeux rivés sur les belles cimes enneigées de Juneau et elles seront longtemps présentes dans le paysage et d’autre s’y ajoutent ainsi que des glaciers. Dans ce Passage Intérieur la montagne est présente partout. Pas vraiment très haute, de 900 à 1500 mètres, mais toujours très belle et souvent parsemés de blanc, jamais régulière et l’on y trouve tous les profils : cimes pointues, massifs arrondis, le grand désordre aussi. Les paysages sont absolument merveilleux, franchement envoûtants, mais tellement difficiles à décrire.
Plus on avance dans ce Passage Intérieur et plus les îles et îlots sont présents et se succèdent pendant des miles et des miles. Evidemment, parfois cela ralentit considérablement la vitesse du bateau tant les virages sont raides ou parce que il ne lui reste plus qu’un étroit couloir pour passer. Dans tous les cas, quel spectacle ! A d’autres moments, c’est carrément du slalom que le bateau doit faire. Ces îles sont abondamment boisées, quand elles sont petites, elles sont le plus souvent rondes. Les plus grandes ont tendance à avoir des formes ovoïdes se terminant en pointe et s’y ajoutent presque toujours quelques minuscules îlots. Si petits soient ces îlots, ils sont, eux aussi, toujours boisés. Cette traversée a vraiment été magnifique et, à l’arrivée à Sitka, nous avons eu droit à un « nid » d’îles et ilots. Vraiment, il y en avait partout et les gros bateaux mettent un temps fou pour arriver au port. Mais quelle belle arrivée.