ALASKA (du 31/07 au 27/08/2009)
Déjà le nom en fait rêver plus d’un… Et que ce nom est joli et chantant même si ses trois syllabes ne contiennent que des A et pourraient donner à penser qu’il manque de mélodie. Mais, non. Sa première syllabe avec son « A » exclamatif, donne le LA pourrait-on dire ; la seconde avec son « L » qui arrive furtivement comme un léger coup d’aile auquel un « A » suave et un « S » somnolant et traînant donnent la consistance nécessaire ; enfin, la dernière syllabe, avec un « KA » pétant et bref met tout de suite l’esprit en éveil : Ah-lAasssss-KAH. Qu’on le veuille ou non, ce nom a quelque chose d’enchanteur.
L’Alaska, la « Russie d’Amérique » comme on l’appelle encore dans certaines de ses contrées eh oui, c’est vrai, l’Alaska est une toute jeune américaine.
Cette contrée du monde, d’abord prise pour une île, a commencé à intéresser les Européens (Espagnols, Anglais, puis en dernier les Français) dès le début du 16ème siècle. A cette époque l’Alaska était un territoire indien et occupé par les Indiens, comme le reste du continent américain d’ailleurs. Les premiers qui y vinrent le firent pour établir une cartographie de la région et découvrir des passages entre Pacifique et Atlantique.
Les Russes, quant à eux, y arrivèrent au début du 18ème siècle. A l’époque, ils ne connaissaient pas vraiment les limites territoriales de leur Russie.
Tous ces envahisseurs ne tardent pas découvrir « l’or » de la région : les peaux de bêtes, aussi bien des animaux marins, surtout les loutres, que des animaux terrestres. A l’époque ce sont principalement les Chinois qui achètent leur « butin » et qui l’achètent cher.
Tous ouvrent des comptoirs commerciaux de l’Alaska à la côte californienne, ainsi que dans les différents groupes d’îles et notamment dans les Aléoutiennes pour les Russes. Ce sont les Russes qui ont le plus fait pour s’installer dans cette région et qui y dominent avec l’implantation de colonies. Bref, ils s’approprient l’Alaska. On y construit des villes où l’Eglise Orthodoxe est là pour aider ou encourager à rester dans cette froide contrée et si loin des siens.
Après 122 ans de la présence massive des Russes et de leurs trappeurs dans la région, la fourrure ne rapporte plus autant et, pour cause, il n’y a plus de bête ou presque plus… De même, les 25 000 Aléoutes présents à l’arrivée des Russes, ne seront plus que 3 500 après ces 122 années… Anglais, Espagnols et Français, ne s’y sont pas comportés comme des petits saints non plus…No comment.
Après les fourrures, c’est la glace qui fit marcher les affaires, il faut dire qu’elle ne manquait pas dans la région et la Californie en était très gourmande. Mais cela ne suffisait pas et l’on n’en doute pas un instant. Alors, on passa de la chasse aux phoques à la chasse aux baleines et il y avait dans le secteur de quoi faire, de quoi se refaire et de quoi se satisfaire. En 1840, pas moins 300 baleiniers croisaient dans les eaux de l’Alaska. Après les années 1850, certains commencent à mettre en avant les richesses naturelles du territoire : l’or et le charbon et les Russes connaissaient l’existence de ces gisements. Malgré cela, ils décident, en 1857, de vendre l’Alaska aux Américains car ils se rendent bien compte, et la guerre de Crimée leur a démontré, qu’ils ne pourraient pas assurer la défense de ce territoire en temps de guerre car beaucoup trop éloigné du pays.Chose étonnante, les Américains font la fine bouche, mais, quand même, en 1859 ils font une offre de cinq millions de dollars. Les Russes voulaient sept millions deux cent milles dollars (sûrement pour les donner aux Indiens !). Les politiciens Américains n’étaient absolument pas « chauds » pour investir dans le froid. C’était sans compter sur la ténacité de William Henry Seward, Député de Floride au moment de l’annonce de la vente et ensuite Secrétaire d’Etat aux Relations Extérieures de 1860 à 1869.
Puis la Guerre de Sécession est arrivée et les négociations n’ont pu reprendre qu’en 1867 et c’est H. Seward qui les mena et qui eut bien du mal à convaincre le Sénat, mais il y parvint et obtint enfin sa ratification le 20 Juin 1867. Et le 18 Octobre 1867, la garnison Russe fut relevée, le drapeau emporté et l’Alaska est devenue officiellement américaine pour sept millions deux cent mille dollars.
Il ne fallut pas beaucoup de décennies pour que les trésors de l’Alaska soient découverts. Outre l’or et le charbon, le gaz et le pétrole y sont présents en grande quantité. D’autres minerais y sont également présents et pas des moindres : le cuivre, le chrome, le zinc, le molybdène, l’argent, le platine, le nickel et l’uranium. Si l’étendue de ces gisements est encore mal connue, leur importance est bien réelle. L’Océan aussi est une richesse importante pour l’Alaska où l’industrie de la pêche est florissante. Et tout est loin d’être découvert, d’où la devise de l’Etat : « Cap au Nord vers le futur »…Par contre, il lui aura fallu bien du temps et vivre bien des péripéties avant de pouvoir rejoindre la Confédération et enfin devenir, le 3 janvier 1959, le 49ème Etat des USA, et avoir son étoile sur la bannière étoilée.
L’Alaska n’a aucune frontière avec un autre état américain.
Et pour les touristes et les aventuriers, l’Alaska c’est 1 717 854 km2 ; trois millions de lacs ; 5 000 glaciers et champs de glace ; 54 000 kilomètres de côtes ; 1 800 îles ; 48 millions d’hectares de forêts ; 12 grands fleuves, mais 3 000 cours d’eau ; 14 des plus hautes montagnes des USA ; des volcans actifs et tellement d’animaux et c’est surtout 687 000 habitants qui ne se marchent pas sur les pieds !
Seulement, il faut y arriver car c’est vraiment très, très loin de tout. Et pourtant, c’est simple, il nous a suffit de traverser le fleuve Yukon à Dawson City (Canada), rouler environ 100 kilomètres et la frontière avec l’Alaska était là.
Jamais frontière ne nous aura semblée aussi éloignée, esseulée et amicale. Une simple petite baraque en bois pour deux grands pays, deux drapeaux, deux hommes chaleureux et souriants sur le pas de la porte qui n’ont fait que regarder nos passeports et nous ont laissé passer ; on étaient seuls nous aussi, mais…. on y changeait d’heure !La route que l’on prend à la descente du ferry pour aller jusqu’à Chicken s’appelle « the Top of the World Highway ». Et il est coutume de dire dans la région ;: « j’ai fait the Top of the World Highway et j’y ai survécu » ! Nous l’avons fait et nous y avons survécu ! Elle est ainsi nommée car son parcours est tracé sur la crête des collines ce qui permet de dominer les vallées. Cette route est ouverte seulement de mi-mai à mi-septembre. Elle ne présente aucun danger si l’on tient compte des conditions climatiques.
La route est une jolie piste bien damée entourée d’une forêt de petits conifères très courts sur pattes et très aérée. Hélas, des incendies sévissent dans la région et nous sommes pas mal enfumés-embrumés. De même, sur notre parcours, nous pouvons voir les méfaits des incendies passés. Ce sont les orages, le plus souvent, qui sont responsables de ces incendies. Mais la nature va très vite et si les squelettes des arbres sont bien rabougris et bien noircis, les fleurs et les plantes de la saison forment des sous-bois pimpants et plein et fraicheur. Pas grand monde sur cette route et même pas de monde du tout pour ce qui nous concerne et pourtant nous l’avons faite en plein été. C’était pas le bon jour pour les rencontres. Sur notre parcours, tout de même, un petit hameau (une ou deux maisons ?) avec pompes à essence, mais là encore n’avons pas vu un chat bien que nous nous soyons arrêtés. Et puis, et puis, la ruée vers l’or du Klondike, elle arrivait jusqu’ici et elle continue de faire des adeptes. Nous avons été plus qu’étonnés par la « gymnastique » d’un chercheur d’or dans un petit ruisseau qui bordait notre route à un certain moment. L’homme revêtu d’une combinaison complète, le tuba dans la bouche relié à un compresseur à air comprimé sur une petite barque, barbotait dans l’eau. Nous sommes restés un petit quart d’heure pour voir ce qui allait se passer. On aurait bien aimé lui parler et savoir si sa « pêche » était bonne ! Que dalle. Il n’a pas bougé d’un poil et ne nous a même pas vu. Le Scribe était à deux doigts d’aller lui taper sur les fesses ce qui aurait été facile car la rivière était si peu profonde qu’il avait les fesses hors de l’eau, mais ça ne se fait pas ! En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’il était possédé par la « Fièvre de l’Or » ! Un peu plus tard, le paysage devient plus verdoyant car l’incendie n’a pas sévi ici, et une belle rivière aux abords bien colorés s’écoule très paisiblement. Tout est paisible dans ces premiers paysages d’Alaska que nous découvrons. Dommage que ce joli décor soit, lui aussi, enveloppé par les fumées des incendies qui brûlent toujours un peu plus loin. Ainsi, paisiblement, nous arrivons au petit hameau de Chicken qui lui est loin d’être paisible ! Pensez donc, avec ses 21 habitants l’été, contre 6 l’hiver, cela fait du bruit tout ce petit monde. En plus, s’y ajoutent les touristes du camping qui doivent bien être une petite vingtaine ! Chicken est né au début des années 1900. Ce sont des chercheurs d’or qui, après avoir trouvé un filon dans cet endroit, créèrent un semblant de village. Ensuite, il fallait bien donner un nom à ce village. L’endroit regorgeait de « ptarmigans » (nom en anglais du lacopède) et les mineurs décidèrent d’appeler ce village « Ptarmigan ». Mais, pas si simple finalement, car ils étaient loin d’être tous d’accord sur l’orthographe du nom. Alors, ils n’ont pas hésité une seconde et pour rester avec l’idée du nom d’un volatile, pour le nom de leur village, ils ont choisi « Chicken » dont l’orthographe ne posait pas de problème. A quoi ça tient, le nom d’un village au royaume du Far West ! Chicken, c’est le monde du surréalisme. Quand on arrive et que l’on voit cette énorme pancarte détourée représentant un poulet tout nu et orange, on croit quand même rêver. La vision suivante c’est trois commerces collés les uns autres : un restaurant, une boutique-café et un saloon ainsi que deux pompes à essence. Le décor intérieur de l’ensemble vaut son pesant de cacahuètes. Soit, tous les murs et le plafond sont tapissés de caquettes ; soit de cartes de visites et écussons divers ; soit encore de bouteilles ! Le décor extérieur n’est pas en reste ! Mais ce qui est plaisant c’est l’accueil que l’on y reçoit. Les gens sont absolument adorables et font tout pour que notre séjour dans leur village soit inoubliable. C’est parfaitement réussi. Après cela, il y a le camping où les gros monstres américains et canadiens n’impressionnent même pas notre petit Jules. Au camping, il y a une boutique/restaurant. Le restaurant ne fonctionne qu’au micro-onde alors c’est du genre plat unique ou presque : Hamburger Jambon, Hamburger Beef et Hamburger Dinde. Pas de frites mais toutes sortes de chips et le congélateur à cornets de glace est bien garni ! Nous, on a eu du mal à manger à notre faim ici… Pour la boutique c’est autocollants, porte-clés, tee shirts, polaires, casquettes et de la poudre d’or. Pas de quoi faire de folles dépenses. A propos de l’or, on peut aller faire une expérience « chercheur d’or » à Chicken, il suffit de louer une batée à la boutique. Nous ne l’avons pas fait.Quant aux maisons des habitants, elles sont peu visibles car dispersées dans la forêt et pas tout près des boutiques. Par contre, nous n’avons pas loupé le charmant petit cabanon « Post Office », avec comme décor une brouette fleurie et, bien sûr, le gallinacé en céramique à côté de la porte.
Pour les six habitants qui restent tout l’année à Chicken les hivers doivent être bien longs et on se demande comment il est possible de vivre ici sans voir personne ou presque pendant des mois avec des nuits qui durent. Cela dit, il y a un petit aéroport à Chicken.Nous avons eu, ici aussi, toutes ces fumées des incendies, c’était vraiment impressionnant et gênant. Le soir, le coucher du soleil était complètement voilé par la fumée.
Dans ce village, on aime beaucoup jouer sur les mots et alors les hommes deviennent des « Roosters » (Coqs) et les femmes des « Hens » (Poules). Eh oui mes Cocottes, c’est comme ça que l’on dit ici.Chicken c’est chouette, c’est le far west ou plutôt le « far north » !
En quittant Chicken, nous ne quittons pas les fumées à tel point que cela commence à nous faire tousser et pourtant ces incendies sont très loin de nous. Il nous faudra un bon moment avant de respirer un air sans fumée et avoir des paysages clairs.
En fait, une fois que nous avons quitté la route de crêtes pour prendre l’Alaska Highway, en direction de Fairbanks, nous finissons au fil des kilomètres par sortir de ces fumées, mieux respirer et voir le vrai visage des paysages.Très vite, l’Alaska nous montre qu’effectivement les marais et rivières sont très présents sur son territoire. Les marais aux eaux sombres, sur ce parcours, sont bien souvent des petits bras de rivières qui vont s’égarer un peu partout au-delà du fleuve principal. Chaque fois c’est miroitant, la lumière y est importante et l’éclat est partout malgré le ciel gris. Autour de ces plans d’eau, les animaux sont présents ; nous avons enfin vu notre premier orignal, dommage c’était une fille et elle était très trouillarde et s’est sauvée très vite. (le Scribe devient macho). En plus, elle était très timide et nous a caché ses jambes !
Les fleuves sont tout particulièrement beaux quand ils envahissent le paysage en formant des deltas importants dans lesquels des îlots forestiers de toutes les tailles constituent une partie du décor. Dans d’autres endroits, ce sont des troncs d’arbres bien assemblés en paquets qui font office d’îlots. Et ces fleuves, quand ils ont fini de « folâtrer » au gré de leur fantaisie et qu’ils retournent s’installer gentiment dans leur lit, ils sont étonnants par leur taille finalement ramenée à celle d’une simple rivière très paisible cernée par la forêt. Ces beaux paysages nous accompagnent jusqu’à Fairbanks.